L’alimentation au cœur de toutes les problématiques de santé

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La façon que nous avons de nous alimenter est un révélateur de l’état social de notre société et le triplement, en seulement 8 ans, du nombre de personne en insécurité alimentaire nous interpelle. Accès aux denrées, accès la santé, préservation de nos écosystèmes… Tout est lié.

Une étude1 parue en novembre dernier, a projeté dans le débat public une thématique qui nous semblait relever des siècles passés tant la question de suffisance alimentaire paraissait éloignée des réalités d’un pays développé tel que le nôtre. Selon les chiffres publiés, 37 % des Français se déclarent en insécurité alimentaire, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas accès, de manière régulière, à une alimentation saine et suffisante.

Portrait-robot des vulnérabilité alimentaires

Ce chiffre préoccupant le devient plus encore quand on observe qu’il a plus que triplé en seulement huit ans ! (Il n’était « que » de 11 % en 2015). La période fortement inflationniste dont nous sortons à peine explique en grande partie cette nette évolution : pour faire face à la montée en flèche des tarifs de l’énergie, les Français avouent avoir rogné sur leurs achats alimentaires. Ainsi 36 % des personnes se déclarant en insécurité alimentaire expliquent avoir dû amputer leur budget alimentaire pour pouvoir faire face à d’autres dépenses contraintes telles que le logement ou l’énergie.

88 % des Français ont vu leurs dépenses alimentaires augmenter en 2023 2, 49 % déclarent ne pas pouvoir manger autant qu’ils le souhaiteraient en raison des prix alimentaires et 4 millions de personnes sont concernés par l’aide alimentaire en France métropolitaine.3


Les jeunes sont les plus durement touchés, les femmes sont majoritaires

Selon l’étude, la population en insécurité alimentaire est jeune. Un tiers a moins de 35 ans (33 %) et 41 % des 18-24 ans se déclarent en insécurité alimentaire sévère (contre « seulement » 26 % pour la population française au global).

De ce paysage plusieurs émergent plusieurs profils : les femmes sont surreprésentées (59 % d’entre elles sont en insécurité alimentaire), de même que les personnes vivant seules (28 %), ou les familles monoparentales (13 %). Enfin, 30 % d’entre elles vivent dans les grandes villes (plus de 200 000 habitants).


La cuisine, un facteur déterminant

L’étude montre en outre que ces personnes en insécurité alimentaire sont beaucoup moins dotées en équipements de cuisine que la moyenne des Français, ce qui constitue un frein supplémentaire à une bonne alimentation : Un tiers d’entre elles n’a pas l’électroménager indispensable : réfrigérateur, plaque de cuisson, four ou four micro-ondes. Et dès lors qu’elles possèdent deux équipements, il s’agit du frigo et du four à micro-ondes, ce qui limite les plats pouvant être préparés ainsi que la variété des produits alimentaires utilisés.

Des biais personnels peuvent également conditionner une relation distante aux questions alimentaires. Ainsi, près de la moitié des personnes interrogées (46 %) n’a pas ou plus d’appétence pour le « cuisiné soi-même » et souhaite passer le moins de temps possible derrière les fourneaux.


80 % des personnes en insécurité alimentaire n’ont pas recours à l’aide alimentaire

Face à des chiffres aussi alarmants et aux besoins qu’on pressent, il paraîtrait logique que l’aide alimentaire soit fortement sollicitée, ce qui n’est pas le cas ! L’étude met en évidence que la vulnérabilité alimentaire ne peut pas être réduite aux populations qui bénéficient de l’aide alimentaire et qui, selon la Fédération Française du Bénévolat Associatif, représentent 10 millions de personnes en France. En effet, 8 personnes sur 10 en insécurité alimentaire déclarent ne pas avoir recours à l’aide alimentaire. La moitié d’entre elles (47 %) l’expliquent par le fait qu’elles ne sont pas à l’aise avec le fait d’aller dans les lieux où l’aide est distribuée.

Pour faire face à cette situation, 92 % des personnes concernées déclarent avoir modifié leurs habitudes en termes d’achats alimentaires. Plus de la moitié (58 %) a réduit ses achats en quantité, privilégiant désormais les produits premiers prix et ceux des paniers anti-inflation, un dispositif mis en place par les grandes enseignes de la distribution qui proposent des prix bloqués sur certains produits. Ils se tournent aussi plus vers les marques des distributeurs et des produits anti-gaspi dont la date limite de consommation est proche. Ceux qui ont recours à l’aide alimentaire se rendent dans les banques alimentaires, mais également dans les épiceries solidaires, anti-gaspillage ou les magasins participatifs.


Des conséquences en termes de quantité mais aussi de qualité alimentaire

Concernant les pratiques culinaires, l’étude montre que les personnes vulnérables mangent plus de féculent, de conserves ou de plats tout prêts. Elles consomment moins de produits plaisirs (produits sucrés, apéritif, chips), de viande et poisson, d’aliments de qualité (bio, label rouge…) Elles sont 93 % à ne pas pouvoir consommer de la viande ou du poisson au moins tous les deux jours pour des raisons financières. Elles mangent aussi nettement moins de fruits (46 %) et de légumes (54 %) plus d’une fois par semaine.

Enfin, tous les répondants en insécurité alimentaire utilisent de nouvelles stratégies. Ils mangent plus souvent seuls (5 repas par semaine en moyenne), même quand ils vivent en famille, une tactique parfois mise en œuvre pour masquer le manque de quantité suffisante pour tous. Ils sautent également deux fois plus repas que les autres, notamment les petits-déjeuners et les déjeuners.


L’alimentation : levier de santé

Si l’alimentation prend place sur le podium des déterminants de santé les plus importants, c’est que son rôle est central. Une alimentation saine conditionne logiquement une bonne santé.
A contrario, le cycle de vie des aliments (communément appelé « de la fourche à la fourchette ») peut générer de véritables dérives en termes d’environnement, et ce de façon directe ou indirecte.

  • Pour produire les matières premières alimentaires, l’agriculture a recours à des intrants (engrais, pesticides, etc.) qui vont porter directement atteinte à la santé des consommateurs, mais également contribuer indirectement à la pollution des sols, de l’eau et de .
  • Lors de la transformation des productions agricoles en produits de consommation, de nombreux additifs vont être rajoutés (sucres, conservateurs, exhausteurs de goût, etc.) engendrant des risques potentiels sur la santé des consommateurs.
  • La distribution des produits finis, incluant le conditionnement et le transport, génère à son tour des pollutions variées et de longue durée (usage de plastiques, rejets atmosphériques, etc.)
  • Parmi les solutions à privilégier pour contrecarrer la plupart de ces menaces, certains comportements s’avèrent faciles à mettre en œuvre: manger des légumes frais et de saison, privilégier les circuits courts et l’alimentation durable à travers la filière bio, vérifier les étiquetages des produits


1Observatoire des Vulnérabilités Alimentaires de la Fondation Nestlé

2INSEE 2021

3Observatoire Sociovision 2024