Embauche au sein des TPE / PME : les bonnes pratiques pour sécuriser le processus et optimiser les coûts

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Dans une TPE ou PME, chaque embauche est une décision stratégique, souvent lourde de conséquences. En effet, les incertitudes économiques ou le besoin de vérifier que les compétences du nouvel arrivant correspondent aux attentes de l’entreprise rendent ce choix d’autant plus délicat.

Pour limiter les risques, il est fréquent de préférer un CDD ou un contrat d’intérim à un CDI. Mais est-ce vraiment le bon calcul ? Une analyse plus fine des règles juridiques peut faire douter de ce réflexe. Quels sont alors les arguments juridiques et financiers en faveur du CDI, et pourquoi est-il essentiel de faire preuve de prudence lorsque vos clients envisagent un tel recrutement ?

Le CDD : un risque sous-estimé pour les TPE/PME

  • En matière de recrutement, le recours au CDD peut vite devenir un réflexe pour des entreprises qui n’ont que peu de visibilité quant à leurs perspectives économiques et financières. En effet, il semble rassurant de ne pas trop s’engager avec la signature d’un CDI. 

    Mais ce réflexe s'accommode assez mal avec les règles légales et fait souvent courir à vos clients plus de risques qu’ils ne le soupçonnent. De plus, ils se privent parfois de réelles marges de manœuvre quant à la rupture du contrat. Regardons pourquoi, plus en détails. 

    L’article L1242-1 du Code du travail précise qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En d’autres termes, si vos clients ont un besoin pérenne, ils doivent embaucher en CDI même s’ils craignent qu’un jour ce besoin disparaisse (nous n’abordons pas ici le cas où le CDD est justifié par des raisons objectives).

    Aussi, si votre client préfère toutefois embaucher en CDD en prétendant qu’il s’agit d’un surcroît temporaire d’activité non justifié, il sera confronté à plusieurs problématiques : 

    • Risque de requalification en CDI : Si le salarié remet en question le motif du CDD, il peut demander à faire requalifier son contrat en CDI, avec des dommages et intérêts à la clé, notamment si le contrat a déjà pris fin. En cas de requalification, la rupture du CDD sera reconsidérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obligeant l’entreprise à verser des indemnités de préavis, de requalification et de licenciement. Ce processus peut coûter plusieurs mois de salaire, sans compter le temps et l’énergie consacrés à gérer le contentieux.
    • Rupture anticipée, quelles options ? Contrairement au CDI, le CDD limite considérablement les motifs de rupture. Un licenciement n’est pas envisageable en CDD. Pour y mettre fin, il faut envisager une rupture amiable ou justifier d’une faute grave du salarié (L’inaptitude, la force majeure et l’embauche en CDI sont aussi des motifs de rupture anticipée).

    Pour illustrer, prenons le cas d’une entreprise qui embauche un salarié en CDD pour un an, prétendument pour un accroissement temporaire d’activité (sans réel fondement, mais cela rassure le dirigeant). Après une période d’essai d’un mois, le salarié s’avère décevant sans pour autant commettre de faute. Dans ce cas, l’entreprise se retrouve piégée : elle ne pourra pas rompre le CDD avant son terme sans l’accord du salarié. Si elle tente une rupture pour motif erroné, elle risque d’être contrainte de rémunérer le salarié jusqu’à la fin du contrat. Pas idéal, n’est-ce pas ?

    Par ailleurs, la période d’essai en CDD est bien plus courte que pour un CDI : un jour par semaine dans la limite de deux semaines pour les contrats de moins de six mois, et un mois pour les contrats plus longs. Cette durée réduite offre bien moins de flexibilité pour évaluer les compétences du salarié.

    En somme, même si le CDI représente un engagement plus durable, il reste souvent une option plus sûre et plus économique, dès lors que le besoin est pérenne. Il permet d’éviter les risques de non-conformité liés au CDD, propose une période d’essai plus adaptée et des conditions de rupture de contrat plus flexibles. De plus, un barème encadre aujourd’hui les montants des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, offrant ainsi une certaine prévisibilité financière en cas de rupture.

    Enfin, il est important de noter que le recours au CDD n’est pas toujours aussi rentable qu’il n’y paraît, car les coûts sont souvent bien plus élevés qu’on ne le pense.

CDI versus CDD : quels sont les coûts “cachés” d’une embauche en CDD ?

  • Lorsque l’on embauche en CDD, on connaît d’avance certains surcoûts par rapport à un CDI, parmi lesquels, nous pouvons citer : 

    • La prime de précarité : équivalente à 10% de la rémunération brute perçue durant l’ensemble du CDD (ce taux peut être abaissé à 6% par la convention collective de branche)
    • Cotisation CPF spécifique au CDD équivalente à 1% du salaire brut
    • Majoration éventuelle des cotisations chômage pour les CDD de courtes durées

    Précisons :  la prime de précarité ne s’applique pas à tous les CDD. Elle n’est pas due si le CDD est pourvu par un étudiant durant ses congés scolaires / universitaires. Elle n’est pas non plus due si l’entreprise souhaite embaucher le salarié en CDI sur le même poste à l’issue du CDD.

    Cependant, un élément est rarement pris en considération dans le calcul du surcoût : l’impact sur la baisse des exonérations générales de cotisations patronales.

Pourquoi ces dernières seraient-elles différentes entre un CDD et un CDI ?

  • Plusieurs facteurs expliquent cette différence : 

    • Généralement, les salariés employés via un CDD ne prendront que très peu de congés durant l’exécution du contrat de travail et se verront payer une indemnité compensatrice de congés payés plus conséquente en fin de contrat
    • Le paiement d’une prime de précarité, lorsqu’elle est due, augmente en réalité la rémunération brute

    En prenant en compte ces éléments, le salarié perçoit finalement une rémunération brute mensuelle moyenne plus importante qu’un CDI.

    Or, comme les exonérations générales de cotisations sont liées au montant de la rémunération brute perçue, plus cette dernière sera importante moins les exonérations seront élevées. Les indemnités évoquées renchérissent donc doublement le coût du recours aux CDD.

    Voici une illustration plus concrète dans l’infographie ci-dessous.

  • Notez que l’indemnité de congés payés (ICP) n’est pas indiquée pour le CDI alors que ce coût est bien supporté par l’entreprise. C'est juste et cela requiert deux remarques complémentaires : 

    1️⃣ Cela ne change pas le constat final : si on ajoute 10% d’ICP en colonne de gauche, il y aura un surcoût de salaire brut de 10% (au lieu de 21%) en colonne de droite et un surcoût entreprise de 25 % en bas de comparaison (au lieu des 35% indiqués).

    L'augmentation du coût entreprise sera donc toujours bien plus élevée que la hausse de la rémunération brute, à cause principalement de la baisse conséquente des exonérations.

    2️⃣ Cette ICP est provisionnée en complément du salaire. En pratique, elle sera toujours versée en compensation de l’absence congés payés : la rémunération brute durant les congés d’un CDI sera donc toujours la même (ou très légèrement supérieure si la règle dite du dixième s’applique) ce qui n'impactera pas le montant des exonérations

    Pour terminer le panorama, il arrive parfois que les entreprises souhaitent embaucher un salarié en CDI après un ou plusieurs CDD jugés concluants. Pour autant, elles souhaitent souvent conserver la possibilité d’indiquer une période d’essai complète pour le nouveau CDI. Mais le peuvent-elles vraiment ?

Durée de la période d’essai : comment bien prendre en compte les CDD antérieurs dans son calcul ?

  • Selon l’article L.1243-11 du Code du travail, lorsque la relation contractuelle se poursuit après l’échéance du terme d’un CDD en CDI, la durée du CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue au contrat.

    Pour échapper à cette règle, certaines entreprises laissent volontairement s’écouler quelques jours entre la fin du CDD et le CDI afin de disposer d’une période d'essai complète, comme si le CDD n’avait jamais eu lieu. Cependant, cette pratique semble risquée au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 juin 2024 (Cass. soc. 19 juin 2024, n°23-10.783).

Quels étaient les faits ?

  • Une clinique avait embauché une infirmière en CDD pour trois contrats dont les périodes étaient les suivantes :


    • 18 au 31 mai 2017
    • 1er au 30 juin 2017
    • 1er au 30 août 2017

    Le 4 septembre 2017, l’infirmière avait finalement été embauchée en CDI. Son contrat comportait une période d’essai de deux mois. Le 15 septembre 2017, l’employeur décide de rompre le contrat en notifiant une rupture de la période d’essai à la salariée.


    La salariée conteste cette décision considérant que les CDD conclus avant le CDI devaient être déduits de sa période d’essai même si les CDD ne précédaient pas immédiatement le CDI.


    Pour motiver sa demande, elle indique que l'interruption d'un mois entre le deuxième et le troisième contrat de travail à durée déterminée était intervenue au mois de juillet 2017, soit pendant la période légale de prise du congé principal. Il existerait donc une continuité dans la relation de travail depuis le premier contrat de travail à durée déterminée jusqu'au début du CDI.


    Cet argumentaire n’a pas convaincu les juges d’appel qui ont considéré qu’il n’y avait pas de continuité entre les différents CDD et le CDI dans la mesure où il y avait eu des interruptions entre le deuxième et le troisième CDD ainsi qu’entre le troisième CDD et le CDI


    Contestant cette position, la salariée a décidé de se pourvoir en cassation.


La décision retenue par la Cour de cassation

  • La Cour de cassation ne suit pas les juges du fond dans leur raisonnement : elle considère que la salariée a exercé en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ce qui induisait une seule et même relation de travail depuis le 18 mai 2017.

    Conséquence : la salariée n’était plus en période d’essai au 15 septembre 2017 puisque les CDD viennent réduire d’autant la durée de la période d’essai. Ainsi, la rupture de période d’essai notifiée par l’employeur doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, permettant à la salarié de bénéficier de différentes indemnités de fin de contrat.

Quelles incidences sur le plan juridique et RH ?

  • Dans ce jugement, la Cour de cassation a opté pour une vision pragmatique afin d’éviter les abus dans les cas de transition CDD/CDI sur un même poste, même avec des interruptions. En clair, une coupure de quelques jours entre un CDD et un CDI ne suffit pas pour repartir à zéro : il faut évaluer si ces CDD relèvent bien d’une relation de travail continue.

    Ce point est crucial lors d’une rupture de contrat : croire, à tort, que le salarié est encore en période d’essai peut entraîner des indemnisations lourdes et le paiement d’un préavis non effectué.

    Ainsi, pour toute nouvelle embauche, il est indispensable de vérifier l’historique des contrats précédents afin de définir précisément la période d’essai. Vos clients pourront ainsi anticiper les conséquences et éviter de mauvaises surprises.

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