Comment prévenir l’absentéisme ?

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L’absentéisme au travail a progressé de plus de 30 % ces 5 dernières années. Près d’un salarié sur deux a été absent au moins deux jours en 2023. Ce phénomène a évidemment de lourdes conséquences pour les entreprises. Quelles sont les causes de l’absentéisme ? Comment agir ? Comment le prévenir ?

On en parle avec Marylène Khouri, experte prévention et psychologue du travail au sein d’Harmonie Mutuelle.



Marylène Khouri

  • Le taux d'absentéisme s'élève à 6,11 % en 2023, ce qui correspond à 22 jours d’absence par salarié sur l'année. Pourquoi y a-t-il autant d’absentéisme ?

    Marylène Khouri : L’absentéisme est un phénomène complexe qui se trouve au croisement de différentes problématiques. C’est aussi le dernier maillon d’une chaîne de plusieurs facteurs. L’absentéisme est d’abord lié à la dégradation des conditions de travail qui a été mise en évidence au moment de la crise sanitaire. Pour expliquer cette dégradation, il faut mettre l’accent sur l’individualisation des objectifs et des parcours qui génère de l’isolement, alors que le collectif est un facteur de protection des collaborateurs.

    Il y a aussi l’augmentation du travail qui s'accélère avec la révolution numérique : on se sent obligé d’être disponible tout le temps. Dans le cadre du télétravail, on a d’ailleurs tendance à beaucoup plus travailler, avec moins de sas de décompression comme les temps passés dans les transports ou à l’extérieur.

    Il faut enfin parler de la financiarisation de l’économie : les budgets des collectivités sont de plus en plus contraints et il faut « faire du chiffre » ! Au final, les professionnels sont confrontés au manque de sens dans leur travail, ce qui les amène à s’épuiser au travail. Après les 30 Glorieuses où le travail était un facteur d’épanouissement, il est aujourd’hui de plus en plus considéré comme un facteur d’aliénation. D’où la montée des pathologies de surcharge, comme le burn-out par exemple.

     

    Comment prévenir l'absentéisme ? Quels sont les leviers d'action ?

    MK : Quand on nous parle d’absentéisme, c'est déjà qu’il est un peu tard et qu’on ne peut agir que sur le « curatif ». Ce que nous proposons, c’est plutôt d’analyser les facteurs de risque qui ont généré l’absentéisme. Pour cela, il faut d’abord évaluer les conséquences et modéliser tous les indicateurs RH : taux, services concernés, nombre d’arrêts… Ensuite, nous pouvons travailler sur une analyse sérieuse des causes. Avant d’en venir aux pistes d’action.

     

    Comment mobiliser les équipes sur le sujet des causes ? Doit-on faire, par exemple, des contrôles médicaux ou donner des primes de présentéisme ?

    MK : Ce n’est pas ce que nous recommandons. Nous voulons plutôt inciter les structures à agir sur la prévention, ce qui nécessite de s’intéresser au travail des collaborateurs. À ce sujet, le réflexe est de dire qu’il faut faire remonter les problèmes auprès des managers. En fait, il faut plutôt faire descendre les managers sur les problèmes des collaborateurs en mettant en exergue les irritants liés au travail, via des espaces de discussion, des ateliers en intelligence collective, des questionnaires, des audits ou des baromètres.


    Comment recevez-vous le taux d'absentéisme chez Harmonie Mutuelle, en tant que mutuelle ?

    MK : Le taux d’absentéisme est important pour nous parce que c’est une donnée qui est également liée à nos comptes de prévoyance. Nous sommes à la fois un organisme de santé et un organisme de prévoyance, et si nos comptes ne sont pas à l’équilibre, c’est tout un modèle qui est menacé. C’est dans notre intérêt économique, mais aussi dans notre mission sociale que d’agir sur l’absentéisme.


    Les employeurs viennent-ils vous voir pour parler de l'absentéisme ?

    MK : Souvent… mais pas assez ! Le dialogue peut être assez inconfortable parce qu’ils sont plutôt sur les conséquences de l’absentéisme, alors que nous préférons agir sur la sensibilisation. Voici pourquoi nous proposons des ateliers, conférences ou webinaires sur le sujet. Si nos structures adhérentes sont assez mûres sur le sujet, nous mettons en place des démarches complètes avec évaluation, analyse puis actions. Sinon, nous optons pour des solutions plus « simples » comme une formation en prévention des risques psychosociaux ou des espaces de discussion sur le travail.

     

    Derrière le taux d'absentéisme, comment rester en bonne santé jusqu'à 64 ans ?

    MK : C’est vrai qu'il y a une augmentation des maladies chroniques et aussi un vieillissement de la population. Il faut donc aller chercher des dispositifs d’intervention centrés sur le bien être individuel : yoga, massage Amma, ateliers de gestion du stress ou des violences. Mais il serait préférable de réfléchir tous ensemble pour trouver les moyens de rendre le travail plus durable, plus soutenable, plus désirable. Pour agir sur les causes plutôt que les conséquences.


    Les secteurs de la santé et du service sont les plus touchés par l’absentéisme. Comment s'en sortent les entreprises de l'économie sociale et solidaire ?

    MK : Le secteur de la santé a toujours été très touché par l’absentéisme et ce phénomène s’est accentué avec la crise sanitaire. Pour le secteur de l’économie sociale et solidaire, nous travaillons beaucoup sur le sujet avec une équipe de préventeurs au niveau d’Harmonie Mutuelle. Ils sont précisément sur la partie organisationnelle et collective, car leurs interventions sont financées par un fonds de solidarité. Avec un cahier des charges très précis.

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