Avez-vous observé une évolution des conditions de départ à la retraite ces dernières années ?
Benoit Serre : J’ai observé une intensification du travail ces dernières années, une tension assez forte qui impacte les conditions dans lesquelles les gens partent à la retraite. J’ai aussi remarqué que le fait de commencer à construire son dossier de retraite, ou de se préparer à partir à la retraite, est un moment de grand stress plus que de soulagement pour les salariés.
Et pourtant, la préparation de cette nouvelle étape de vie devrait être enthousiasmante...
Oui, mais seulement si on sait ce qu'on fera à la retraite. De plus, il faut affronter la complexité administrative qui consiste à faire calculer ses futurs revenus... Et comme la retraite est depuis des années un sujet de tension politique et sociale, les salariés ont le sentiment que ça va être un moment très difficile à passer.
Comment aider les seniors à préparer la suite le plus sereinement possible ?
L'entreprise a un rôle à jouer parce qu’elle est le point de repère. Les salariés ont construit une relation avec leur entreprise qui doit les accompagner sur un plan technico-administratif. Elle doit d’abord bien les renseigner sur leurs droits avant de les aider à réfléchir sur le sujet.
Certaines entreprises organisent des ateliers retraite avec une partie administrative, mais aussi une partie projets, et les gens sont en général très demandeurs. Bien entendu, cela doit se faire 1 ou 2 ans avant le départ, et pas juste 3 mois avant !
Quelles sont les attentes le plus souvent exprimées par les futurs retraités ?
D’abord, ils veulent savoir combien ils toucheront à la retraite, mais aussi connaitre leur régime de protection sociale, car, à un certain âge, on est potentiellement plus exposé à des problèmes de santé. La deuxième attente, c'est comment ils vont vivre avec l’entreprise pendant les quelques mois qui les séparent de la retraite. Est-ce qu'ils vont être toujours dans l’entreprise ou pas, est-ce qu'on va aménager leur temps de travail ? Avec des demandes très différentes entre ceux qui veulent rester jusqu'à la dernière minute et ceux qui demandent des aménagements de temps de travail.
Selon vous, faut-il repenser l'organisation du travail pour les salariés en fin de parcours ?
Parmi les éléments qui doivent être pris en compte pour maintenir en emploi les gens autour de 60 ans, il faut s’intéresser à la pénibilité du travail exercé. Il faut anticiper pour voir comment il est possible de construire une deuxième partie de carrière ou d’aménager le temps de travail.
Des missions de mentorat peuvent-elles être des solutions efficaces pour alléger cette période ?
Certains salariés souhaitent s’inscrire dans cette dimension-là et c'est très bien. Ils veulent aider un jeune, transmettre leur savoir parce que le savoir accumulé c'est un élément de fierté. C’est pour cela que je suis partisan de multiplier les occasions de faire des validations des acquis de l'expérience à partir de 50 ans, une manière pertinente de reconnaître ce qu’ils ont appris.
Mais d’autres ne le veulent, considérant que, dès lors qu'on les emmènerait sur des logiques de mentorat ou de tutorat, on ne les considérerait plus comme de vrais salariés. Car malgré le discours ambiant, il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de salariés aiment leur travail, ils sont fiers de ce qu'ils font. Et c'est là où l’entreprise doit intervenir, pour aménager le temps de travail ou les conditions de travail, pour permettre à chacun d’exercer son métier jusqu'au bout dans des conditions acceptables pour lui.
Une dernière question : quelle serait votre recommandation clé à donner aux entreprises pour améliorer le bien-être de leurs futurs retraités ?
L’essentiel, c’est l’anticipation. À partir des 55 ans du salarié, il est essentiel de le faire évoluer dans l'entreprise ou d’aménager son métier, s’il est demandeur bien entendu. Cela passe avant tout par l’écoute et le dialogue.
Quand s'approche la date de la retraite, il faut vraiment l’aider, soit via des organismes extérieurs soit via des mutuelles, afin de bien préparer ce changement de vie. Il en va de la responsabilité sociale de l’entreprise. Mais il faut toujours respecter les salariés futurs retraités : certains veulent être aidés, d’autres n’ont pas besoin d'aide.