Nous traversons une zone de turbulences et d'incertitudes qui oblige les entreprises à faire preuve de souplesse. Mais dans ce contexte incertain, le premier réflexe est souvent d’avoir un management de contrôle. Est-ce la bonne solution ?
Baptiste COUGOT : La tentation d’appliquer un management plus « contrôlant » est forte pour s'assurer que le salarié réalise bien les objectifs attendus. Mais ce qu'on observe, c’est que ce type de management génère le plus souvent des performances moins bonnes, avec des effets négatifs sur la santé des salariés.
Le management « contrôlant » est en effet très dirigiste, ce qui représente un obstacle à l’autonomie et à la créativité du salarié. Alors qu’au contraire, une entreprise qui connaît des turbulences doit être souple parce qu’elle a besoin que chaque salarié soit capable de faire des efforts d’adaptation à son poste de travail.
Le management « contrôlant » va aussi à contre-courant des besoins fondamentaux du salarié, comme le besoin d’agir par lui-même, de sentir que ses comportements sont le fruit de sa propre volonté. En fait, tout ce qui le motive à s’engager dans son travail.
Comment aller contre ce réflexe dirigiste ?
Le plus efficace est de développer des formes de management que l’on qualifie d’habilitant ou de collaboratif. Concrètement, il s’agit de partager le pouvoir avec le salarié. Cela peut prendre différentes formes : de la simple participation aux décisions à des formes plus ambitieuses de délégation d’autorité sur des secteurs d’activité. Avec toujours la volonté de responsabiliser le collaborateur, selon sa capacité à gagner en autonomie.
Le manager doit donc partager l’information pour que le salarié puisse véritablement se saisir de cette autonomie, mais aussi lui donner le droit à l'erreur et soutenir le développement de ses compétences. Il peut aussi jouer le rôle de « manager-coach » en encourageant le salarié, en exprimant la confiance qu'il peut avoir envers lui dans sa capacité à trouver ses propres solutions plutôt que d’appliquer celle des autres.
Le rôle du management est donc primordial…
Il est vraiment central ! Le manager se situe à l’intersection de nombreux aspects de l’environnement de travail : organisation, configuration des équipes, animation des collectifs. Et le management, quel qu’il soit, a toujours des impacts globaux sur la vie des personnes.
Comment créer les conditions pour avoir un management habilitant ou collaboratif ?
La première chose, c'est de bien se former au management pour bien comprendre ce qu'est un management collaboratif ou habilitant, avec les comportements à mettre en œuvre. Au-delà des pratiques, il faut aussi intégrer les mécanismes de la motivation au travail et de la performance. Parce qu’on comprend assez rapidement qu’un excès de contrôle peut être négatif en ne répondant pas aux besoins fondamentaux de l’individu.
Autre élément important : bénéficier d’un top management qui soutienne vraiment ces pratiques parce qu’on n’a pas toujours l’habitude de partager le pouvoir. Il faut savoir qu’en France, on a plutôt tendance à avoir des pratiques autoritaires, comparativement à nos voisins européens. Le « collaboratif » n'est pas ce qu'on a vendu culturellement aux managers pour assurer le succès de leur carrière. Parce qu’aider les autres à s'autonomiser et à décider, ça peut être déstabilisant !
Quels sont les bienfaits de ce management pour la santé des salariés et des organisations ?
La question a été étudiée, notamment au CHU de Nantes. Et ce n’est pas évident parce qu’on sait que l’autonomie peut être stressante pour les salariés. Mais on a pu prouver que, globalement, les salariés qui bénéficiaient d’un manager habilitant présentaient des niveaux de stress inférieurs aux autres.
En revanche, cette incitation à l’autonomie peut être plus stressante lorsqu'elle n’est pas associée au partage du pouvoir ou au soutien. En clair, si on incite un salarié à s’autonomiser mais sans lui donner les moyens de cette autonomie, il va être frustré et donc stressé. D’où l’importance de la formation pour que le manager ne crée pas des situations d’ambiguïté.
Est-ce que les collègues ont aussi un rôle à jouer dans ces situations où tout se bouscule ?
Les collègues ont un rôle très important car la question du soutien social est primordiale. Un manager habilitant, c'est un manager qui va être soutenant, qui se préoccupe des salariés et qui leur fait confiance. Ce qui est vraiment essentiel pour faire face aux exigences rencontrées, notamment face à l’instabilité que traversent les organisations dans les turbulences.