Le travail hybride : un début de stabilité ?

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En trois ans, une mini-révolution s'est produite dans le monde du travail sous la forme du télétravail. Le télétravail est en effet entré dans nos habitudes, ce qui redistribue les cartes sur notre rapport au travail, les relations entre les salariés et leur entreprise, mais aussi les relations entre les territoires.

Le point avec Christophe NGUYEN, psychologue du travail et président d’Empreinte humaine, cabinet spécialisé dans la qualité de vie au travail. 

Jean Pierre BRUN

  • Trois ans après le début de la crise sanitaire, on peut dire que le télétravail est rentré dans la norme. Quel état des lieux faites-vous aujourd’hui ?

    Christophe Nguyen : le télétravail s'est maintenu après s’être imposé pendant la crise sanitaire. Lors des confinements, près de 50 % des salariés faisaient du télétravail. Aujourd'hui, le chiffre est de 35 % dont 10 % en télétravail intégral.

    Au début de la crise, il y avait une forme de « romantisation » du télétravail ; tout le monde pensait qu'il était possible de travailler complètement à distance. Mais au fur et à mesure, on s'est aperçu qu’il était difficile d’échanger, de communiquer des informations complexes ou de collaborer à distance. Avec même un effritement du « sens au travail » lié à la distance. Aujourd'hui, il existe toujours une vraie demande sociale autour du télétravail, mais les salariés souhaitent davantage profiter de modalités hybrides, mixant le présentiel et le distanciel.



    Le télétravail bouleverse notre rapport au travail. En 1990, 60 % des Français jugeaient que le travail était important dans leur vie. En 2022, ils ne sont plus que 21 %. Vous partagez ce sentiment lors de vos interventions ?

    CN : C’est très clair dans nos études, la place du travail est différente après cette crise sanitaire. En fait, le télétravail n'est que la partie émergée de l'iceberg pour expliquer ce changement. Les salariés, mêmes non-télétravailleurs, attendent autre chose du travail et le télétravail répond effectivement à des besoins d’équilibre de vie qui étaient peu traités en France, avant la crise sanitaire, comparé aux autres pays européens. Avant la crise, à peine 20 % des salariés étaient satisfaits de leur équilibre de vie, dénonçant la culture du « présentéisme » au travail qui empiétait sur leur vie personnelle. Aujourd’hui, le télétravail permet cette flexibilité et amène à une remise en question du management.



    A-t-on trouvé un cadre plus fixe pour le télétravail ?

    CN : Finis le télétravail « à marche forcée » sans les équipements adaptés. En fonction des entreprises, il existe aussi une plus grande flexibilité dans le choix des journées et dans les tâches compatibles avec le télétravail… mais il reste encore beaucoup à faire. 7 salariés sur 10 veulent un cadre plus clair concernant les droits et les devoirs des télétravailleurs.

    Quant aux managers, ils sont un peu décontenancés vis-à-vis de leur pratique managériale ; ils ont du mal à assoir leur management avec le télétravail en hybride. Autre question importante, la flexibilité… avec pas mal de « zones grises » à clarifier : est-ce que j'ai le droit d'aller chercher mes enfants à 16h, de m’en occuper jusqu'à 18h pour ensuite reprendre le travail ? Est-ce que j'en parle à mon manager ? Enfin, il y a des enjeux autour de la prévention des risques psychosociaux induits par le télétravail.  



    Quels sont justement ces nouveaux risques psychosociaux liés au télétravail.

    CN : Le plus important est la confusion des temps de vie : confusion psychologique entre « est-ce que je suis chez moi dans ma sphère privée » ou « est-ce que je suis en train de travailler pour mon employeur » ? Se pose aussi la question de la reconnaissance au travail quand on est moins visible. Quant à l’isolement, c’est un enjeu d’organisation pour bénéficier du meilleur des deux mondes. D’un côté, il permet de ne pas être dérangé quand on a besoin de concentration, de l’autre, le besoin d’échanges est favorisé en présentiel. Et là, le rôle du manager est essentiel pour créer une dynamique d’équipe donnant envie aux salariés de revenir sur leur lieu de travail, avec de nouvelles règles à inventer.



    Comment créer une dynamique d'équipe dans ce contexte hybride, pour éviter les risques psychosociaux ?

    CN : Le vrai sujet est l’efficacité au travail. Si les gens viennent au bureau sans discuter et pour rester enfermés toute la journée, où est la valeur ajoutée ? À l’inverse, certaines études montrent une plus grande efficacité lors de réunions en présentiel, pour les brainstormings ou les échanges sur des sujets difficiles par exemple. Sans oublier les célébrations de vie d’équipe, car les gens en « ont assez » des apéros Zoom ! Il faut aussi prendre en compte la dimension de l’intégration. Les nouvelles recrues ont plus de mal à apprendre leur métier et les codes de l'entreprise à distance. Les tâches plus collectives doivent être favorisées en présentiel.




    Quel est l'avenir du travail à distance : selon vous, on sera tous télétravailleurs en 2050 ?

    CN : Peut-être pas tous parce qu’il y a encore des métiers qui ne sont pas propices au télétravail ! Mais je pense qu’avec le temps, le télétravail va forcément se développer sous un mode hybride. Avec plusieurs défis à relever : la sécurité des données, l’aménagement des postes en télétravail. Et aussi le défi de faire vivre la culture d’entreprise et de développer le sentiment d'appartenance à distance.



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