Addiction à la chaise : on dit non !

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On sait depuis longtemps qu’il faut bouger pour rester en bonne forme. On sait depuis peu que cela ne suffit pas.

Rester assis trop longtemps dans la journée, ce qu’on appelle la sédentarité, nuit gravement à la santé. Mauvaise nouvelle pour ceux qui croyait avoir « tout juste » en faisant du sport. Ils sont sur la bonne voie mais, eux aussi, doivent limiter le temps passé en station assise ou couchée. Bonne nouvelle : les solutions sont à la portée de chacun d’entre nous ! François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, Professeur émérite de l’université de Rennes, nous donne les clés pour comprendre, et agir !

Harmonie Mutuelle : L’impact négatif de la sédentarité, c’est-à-dire le fait de rester assis ou couché plus de 2 ou 3 heures d’affilée chaque jour, fait l’objet de nombreuses recherches. Qu’est-ce que la notion de sédentarité apporte de nouveau ?

  • Réponse François Carré :

    On a longtemps cru que pratiquer régulièrement un sport ou une activité physique plusieurs fois par semaine était l’idéal pour se maintenir en forme et préserver sa santé. C’est excellent, et il faut bien entendu continuer à bouger autant que possible et faire du sport pour ceux qui aiment cela. Mais les recherches actuelles montrent qu’il y a une autre condition, fondamentale, pour préserver sa santé : ne pas rester assis trop longtemps pendant sa période d’éveil


    Ça a l’air tellement simple qu’on a du mal à faire comprendre que c’est essentiel. Pourtant, dès que nous sommes assis plus de 2 ou 3 heures de suite, et plus de 7 heures en tout dans la journée, notre corps fonctionne mal. Et cela concerne aussi les sportifs, sans surpoids. Si, après l’entraînement quotidien, ils passent leur journée dans leur canapé, puis à table, puis dans leur voiture, ils sont sédentaires.
     

Harmonie Mutuelle : Pourquoi est-il dangereux de rester assis trop longtemps dans la journée ?

  • François Carré : 

    Nos gènes ont été façonnés par une longue histoire où il fallait faire des kilomètres pour chercher sa nourriture, fuir les prédateurs, travailler de ses mains. Trop de station assise (ou couchée à la manière des ados vissés aux écrans) et ce sont tous nos organes, et bien sûr notre cœur, qui souffrent.
    Des recherches très ciblées sur la sédentarité montrent qu’elle contribue fortement à l’augmentation des maladies chroniques qui affectent de plus en plus les jeunes, notamment le surpoids et le diabète.


    À l’inverse, quand nous sommes en activité, et que nos muscles se contractent, les molécules libérées qui circulent dans le sang et irriguent tous nos organes participent à leur bon fonctionnement. Cela concerne aussi bien le pancréas que le cerveau ou les capacités de nos vaisseaux sanguins. Malheureusement, ce bénéfice santé est de courte durée, car les molécules produites par l’activité physique ont une durée de vie de seulement 24 à 36 heures. 


    Il faut donc fuir la chaise tous les jours ! J’utilise souvent cette image avec mes patients : pour avoir de bonnes dents, est-ce qu’il vaut mieux se brosser les dents 7 fois le dimanche ou tous les jours de la semaine ? Cela fonctionne de la même façon pour la sédentarité.

Harmonie Mutuelle : Mais c’est extrêmement difficile, dans une société où beaucoup d’entre nous sont assis pour travailler, se déplacer, se distraire !

  • François Carré : 

    Notre organisme a besoin d’activité, mais notre mode de vie réduit les occasions de bouger, c’est vrai. On apprend dès l’enfance à rester assis sagement sur une chaise des heures entières et à force il se crée ce que j’appelle une addiction à la chaise. On se précipite sur un siège en attendant le métro, puis dans le bus, etc. Le résultat est une plus grande fatigue, car être assis ne repose pas.


    Au quotidien, on peut partir un quart d’heure plus tôt et descendre du bus trois arrêts avant son lieu de travail, prolonger la promenade du chien en marchant rapidement, prendre systématiquement les escaliers : cela change la donne. Et au travail, il faut saisir toutes les occasions de se lever et de marcher 4 ou 5 minutes toutes les 60 ou 90 minutes. Ce n’est ni la culture de l’école, ni celle de l’entreprise, mais il faut la faire évoluer. Cette coupure active est nécessaire pour notre corps, mais c’est aussi très efficace pour notre activité cérébrale. De même, quelqu’un qui arrive au bureau après 20 minutes de marche à pied est bien plus réveillé, et opérationnel, que celui qui sort de sa voiture en direct de son lit !

Harmonie Mutuelle : Vous pensez qu’il faut particulièrement s’adresser aux jeunes et aux enfants ?

  • François Carré : 

    Toute la population est concernée, mais il apparaît que la capacité physique des enfants a diminué de 25 % par rapport aux performances d’il y a 35 ou 40 ans. Ce sont les effets de la sédentarité et du manque d’exercice physique.

    Et nous en voyons déjà les conséquences. Comme cardiologue, je rencontre actuellement des jeunes frappés d’un infarctus avant 30 ans, ce qui était extrêmement rare au début de ma carrière. 


    Limiter les écrans, les inciter à jouer, grimper, courir, nager, marcher jusqu’à l’école ou le collège : cela fait intégralement partie d’une bonne éducation à transmettre. Et on peut progresser en famille. 


    Lancez un défi tout simple : combien de marche es-tu capable de monter en 5 minutes ? Et on essaie chaque jour : chaque marche gagnée, ce sont des problèmes de santé en moins ! Car chaque effort paye. Trente minutes de moins passées assis chaque jour, et 30 minutes de plus d’activité modérée, cela correspond à 15 % de mortalité en moins.