Comment accompagner les salariés porteurs d’une neurodivergence ?

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Difficile de traiter le sujet du handicap invisible. Et pourtant, 80 % des handicaps sont invisibles. Ces différences peuvent avoir des impacts sur les interactions et les performances des personnes concernées. 

Comment prendre en compte ces différences invisibles au cœur de l’entreprise ? On en parle avec Judith Sitruk, coach internationale. Au cours de sa carrière, elle a déjà accompagné plus de 10000 personnes dont la grande majorité montrait des signes de neurodivergence. 

À noter, une personne neurodivergente peut être une personne autiste ou hypersensible, qui a des troubles dys ou de l’attention. Judith Sitruk a elle-même été diagnostiquée Asperger assez tard dans son parcours en entreprise.


Judith Sitruk

  • Qu’entend-on précisément par handicap invisible ? 

    Judith Sirtuk : Avoir un handicap invisible, c'est ne pas fonctionner exactement comme tout le monde à cause de quelque chose qui ne se voit pas. Vous pouvez avoir un handicap invisible si vous êtes diabétique, si vous avez un covid long, si vous ressortez d’un cancer et que vous êtes fatigué, si vous êtes malentendant... On parle ici d’invisible par rapport au handicap visible, celui qui nécessite par exemple une canne blanche ou un fauteuil roulant. Et là, pas besoin d’explication. 

    Parmi ces handicaps qu’on ne voit pas, il y a une grande catégorie que j’appellerais les différences invisibles parce qu’elles deviennent vraiment des handicaps quand le collectif ne les prend pas en compte. C’est ce qu’on appelle la neurodiversité ou la neurodivergence. Autour de nous, il y a des gens qui ne sont pas câblés « comme tout le monde » ; ça ne fait pas d’eux des personnes moins bonnes ou meilleures, juste des personnes qui fonctionnent différemment. 


    Vous allez sur le terrain, vous coachez des HPI ou des TDAH (troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), pensez-vous que les entreprises s'emparent vraiment du sujet ? 

    C’est très difficile même pour les entreprises qui ont la meilleure volonté du monde, même pour celles qui veulent suivre les directives nationales comme avoir 6 % de personnes avec un handicap déclaré dans leurs effectifs. C’est compliqué en effet parce qu’il y a des personnes qui ne savent pas qu’elles sont différentes. Pour les personnes qui le savent, certaines ne veulent pas le dire, car elles pensent qu’elles sont comme tout le monde ou pour ne pas être stigmatisées. Pour celles qui acceptent d’avoir ce qu'on appelle une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, attachée à leur diagnostic, il est facile de mettre en place des aides ; les entreprises peuvent faire appel à des coachs ou à l’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées), par exemple, pour sensibiliser et pour que tout se passe au mieux pour tout le monde. 


    Sensibiliser les managers à la neurodiversité, est-ce important pour une meilleure qualité de vie au travail et aussi pour une meilleure performance ? 

    C’est bien de parler de performance parce que l’entreprise n’est pas là juste pour inclure la personne… et la laisser faire n’importe quoi ! Elle l’embauche parce qu'elle a les « bonnes » compétences, mais elle n’a peut-être pas les « bonnes » interactions sociales. La sensibilisation vise à faire que tout le monde vive mieux cette différence : la personne concernée ne devra pas toujours s’adapter, ses collègues n’auront pas besoin de se dire : « mais pourquoi elle fait ça ? ». 


    Quelles conséquences si on ne prend pas en compte ces différences ?

    La personne « différente » va inévitablement se fatiguer parce qu’elle va chercher à s’adapter de toutes les façons. Elle va se forcer à comprendre, à performer… Elle va parfois réussir, mais elle va vite s’épuiser. Et si elle n’y arrive pas, son estime d’elle-même et de l’entreprise va chuter. Prendre en compte ces différences, c'est donc faciliter le bien-être au travail de cette personne et des personnes avec qui elle interagit. 


    Quelle a été votre propre expérience, puisque vous avez été diagnostiqué très tardivement Asperger ?

    Oui, à 57 ans. Et quand j’ai été diagnostiquée, j'ai vite recontacté des managers que j'avais fait souffrir… En effet, ne sachant pas que j'étais différente, j'ai souvent été à côté de ce qu'on attendait de moi. Mais quand j'ai enfin pu mettre un mot sur ma différence, c'était comme si on m'avait donné une seconde chance. 


    Avez-vous un dernier message à faire passer ? 

    J’en ai même 2 ! Le premier, c'est quand vous devez embaucher quelqu'un qui est neurodivergent, profitez de la période d’essai pour oser, essayer, faire, dire… Après, ça marche ou ça ne marche pas, mais il faut donner sa chance à la personne

    Le second, le plus important, c'est de sensibiliser et de communiquer. Si la sensibilisation est bien faite, vous pouvez dire très factuellement à la personne : « ça, ça ne va pas ! » et vous pourrez résoudre ensemble le problème. Quand on communique et qu'on se retrouve au même niveau, ça change tout !

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