Pour vous, les compétences humaines ou soft skills des entrepreneurs peuvent transformer leur business ?
Oui. On ne s’en rend pas toujours compte parce qu’elles viennent de notre histoire, de notre manière d’être, de ce qu’on fait naturellement depuis des années. Mais ce sont elles qui permettent de communiquer, de décider, de s’organiser, de gérer les imprévus… et donc de tenir une activité.
Je pense à une entrepreneuse que j’ai accompagnée, mère de quatre enfants, qui me disait au départ qu’elle n’avait pas de compétences particulières. Pour elle, ce quotidien n’était qu’une question de survie. En réalité, elle avait développé une capacité d’organisation exceptionnelle, une vraie maîtrise des priorités et une résistance émotionnelle qui allait devenir un atout décisif dans la structuration de son activité. Le jour où elle en a pris conscience, tout s’est aligné : ses tarifs, son planning, son énergie, et même son rapport à ses clients.
Comment peut-on définir ces compétences ?
Ce sont simplement toutes les capacités personnelles qui ne dépendent pas du métier en lui-même. On peut être un excellent technicien ou un très bon créatif, mais pour faire tourner une entreprise, il faut aussi savoir communiquer, s’organiser, comprendre les autres, gérer ses émotions, prendre des décisions, être clair sur sa stratégie…
Ces compétences-là ne viennent pas d’une école ou d’un diplôme, elles viennent de la personne. Et dans la vie d’un entrepreneur solo, elles deviennent très vite centrales, parce qu’on ne peut pas s’appuyer sur un service commercial, un service communication ou un service RH. On doit tout porter soi-même.
Est-ce qu’elles viennent vraiment de la vie personnelle ?
Oui, et même davantage qu’on ne le croit. Mais attention : tout n’a pas vocation à être utilisé dans l’entreprise. Certaines passions resteront personnelles, et c’est très bien. Le bon point de départ, c’est l’objectif professionnel. Une fois qu’on sait ce qu’on veut atteindre, on regarde ce qu’on fait déjà naturellement dans d’autres domaines et qui peut servir cet objectif.
Chez certaines personnes, c’est le sport qui révèle la persévérance ou l’esprit d’équipe. Chez d’autres, c’est la vie familiale qui montre une capacité impressionnante à gérer des priorités ou à maintenir le cap dans des situations complexes. Parfois, la créativité vient d’un loisir artistique, la diplomatie d’un rôle associatif, l’humour d’une relation amicale.
Comment faites-vous pour aider quelqu’un à reconnaître ces capacités ?
On repart toujours de situations concrètes : un déménagement, un événement organisé, une mission de bénévolat, un rôle dans un club de sport, une étape marquante de la vie familiale… On décortique ce qui s’est passé, ce qui a fonctionné, ce qui a demandé de l’énergie. Très vite, on voit apparaître des capacités solides dont la personne n’avait aucune conscience. On travaille aussi beaucoup sur les idées toutes faites qu’on se raconte. Par exemple, quelqu’un qui répète qu’il n’est « pas créatif » alors qu’il crée des objets uniques depuis des années. Ce sont des croyances limitantes. Le simple fait de les nommer permet déjà de les faire bouger.
Concrètement, au quotidien, qu’est-ce qu’un entrepreneur gagne en prenant conscience de ses capacités ?
Il gagne d’abord une sensation de clarté. Quand on comprend comment on fonctionne, les choses deviennent plus simples. On se fatigue moins parce qu’on arrête de lutter contre soi-même. On fait des choix plus sereinement, on sait ce qu’on veut, on sait ce qu’on ne veut plus.
Il se crée un alignement « tête - cœur - corps » qui fait que le dirigeant agit en accord avec ses valeurs, ce qui lui donne cohérence et sérénité. Cela améliore aussi la communication avec les clients, les partenaires, les fournisseurs, parce qu’on comprend mieux comment on exprime les choses et comment les autres fonctionnent. Et puis, cela redonne du sens. Beaucoup d’entrepreneurs solo s’essoufflent parce qu’ils perdent de vue pourquoi ils ont lancé leur activité. Retrouver ses repères humains permet de retrouver la motivation.
Pour finir, qu’est-ce qu’un entrepreneur peut faire pour commencer à faire émerger ses capacités personnelles ?
Il y a une pratique toute simple : tenir un journal. Noter ce qui a marché, ce qui a été difficile, ce qu’on a compris. On pense souvent que ça ne sert à rien, mais au bout de quelques semaines, on voit apparaître des schémas, des forces, des intuitions. C’est un outil formidable pour prendre du recul et pour avancer.
Enfin (et c’est essentiel) il faut préserver son équilibre. On n’est pas qu’un entrepreneur. On est aussi un parent, un ami, un passionné, un sportif, parfois tout ça à la fois. C’est cet ensemble qui permet de tenir dans la durée.